glacée et brûlante - la maison hantée

Publié le par voixdouce-et-motsroses

199.JPG

 

Glacée et brûlante

 

Mes parents avaient acheté un petit mas en Provence où nous passions régulièrement les mois d’été.

 

Il y faisait une chaleur si étouffante certains après-midis, que seul le chant des cigales semblait pouvoir émerger de l’espace environnant.

 

Au-delà de notre maison se trouvait une clairière prolongée par un petit bois au travers duquel on apercevait une vaste bâtisse sombre qui m’intriguait beaucoup. Ses volets gris-bleu délavé étaient toujours fermés. Une maison abandonnée ?

 

On distinguait au loin, une entrée délimitée par un muret de pierres sèches comme on en trouve dans les sous-bois provençaux. Puis au milieu de friches qui recouvraient ce qui avait dû être un jardin, on devinait un puits et sa poulie rouillée-grinçante.

 

Ces visions me glaçaient, me terrorisaient même. J’étais certaine que dès la nuit tombée, toute une armée d’ombres arrivait de multiples horizons et tenait un conciliabule entre ces murs.

Je baptisai très vite l’endroit  « la maison hantée ».

 

J’aimais lire sous le vieil olivier de notre jardin. Parfois mon imagination s’envolait jusqu’à la maison hantée. Je l’observais, elle  s’ouvrait alors à moi et se mettait aussitôt à vivre et à vibrer des terribles mises en scène que j’inventais pour elle.

Mes parents m’avaient  interdit de franchir le bosquet conduisant à cette propriété voisine. Ainsi n’avais-je jamais osé m’aventurer au-delà de la clairière.

 

Jusqu’à cet été où je parlai de la maison voisine à  mon cousin venu passer quelques jours avec nous.

Evidemment dès le lendemain à l’heure de la sieste,  il m’entraîna vers le sous-bois et très vite je me retrouvai enjambant derrière lui le muret, puis contournant le puits et franchissant enfin un escalier de trois marches … jusqu’à un  volet vermoulu  qui se laissa entrouvrir sans difficulté.

Il ne nous restait plus qu’à pousser la fenêtre sans vitre pour accéder à l’intérieur de la maison.

La première pièce était vaste, presque vide hormis une haute armoire campagnarde, une armoire à glace.

En observant le miroir poussiéreux on apercevait un tracé. Mon cousin s’approcha et lut à haute voix : « Monsieur X nous nous reverrons »

Mon cœur n’était plus qu’un gong dans ma poitrine et je voulus rebrousser chemin.

Mon cousin progressa de quelques pas dans un couloir, puis finalement me rejoignit, pas très rassuré lui non plus !

 

Ah le bienfait des rais de soleil fusant à travers le sous-bois très vite franchi au retour ! Même la chaleur torride de cet après-midi d’été en devenait vivifiante, je retrouvai avec bonheur mon olivier protecteur  et son chuintement de cigales.

 

La dénommée « maison hantée » était bien à la hauteur de sa désignation !

 

Quelques années plus tard elle fut mise en vente. Dénouement inouï : on apprit qu’elle avait appartenu à un illusionniste dont le nom de scène était « Monsieur X »

Au moment du déménagement on vit la grosse armoire énigmatique sortir de la maison suivie de quelques coffres noirs bordés d’or ainsi que d’une impressionnante collection de sabres de toutes tailles.

Enfin apparut une sorte de cage en bois, à taille humaine avec une petite fenêtre carrée en hauteur  et  une grande inscription en lettres rouges :

                           « Madame Mir et Monsieur X jeteur de poignards »

 

 

 

 

 

 


Publié dans nouvelles

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article